Velrian se sentait mal. pas qu'il soit malade ou quoi que ce soit du genre, non, c'était plutôt mental, en fait. Il se posait des questions. Combien de temps allait-il dépendre de Mazel ? Devrait-il rester avec elle jusqu'à la fin de ses jours ? A supporter ses sautes d'humeur, ses caprices, ses soifs soudaines ou les jours où elle se laissait mourir pour ne pas le mordre ? Il n'était pas sûr de tenir le coup. Bon, d'un autre côté, il avait signé un pacte (un peu de force, certes),  alors il y avait peu de chances qu'elle le laisse partir.

Il soupira et laissa sa tête tomber dans ses oreillers. Voilà, ses réflexions en étaient là. Il ne savait même pas comment Mazel avait réussi à s'arranger pour qu'un garçon du secteur Austraméricain déménage en Eurafrique. Elle avait sûrement du pouvoir, mais il ne savait rien de sa vie. Rien du tout. C'en était presque désespérant. Il ne savait pas vraiment pourquoi il avait accepté ce pacte. Elle avait sûrement usé d'un de ses pouvoirs, mais il ne s'en souvenait pas. Et parfois, comme ce soir, il s'en voulait.

Quand il entendit la clef tourner dans sa serrure, il se recroquevilla sous la couette. Il n'avait pas envie de se lever, pas envie de la voir. Ca lui arrivait de plus en plus souvent. Le pacte avait trop duré, à ses yeux du moins, et il en avait marre de la voir rentrer et s'énerver, ou lui sauter dessus, ou être gentille avec lui, sans jamais savoir à quoi s'attendre d'avance.

Malgré tout, quand elle l'appela, il se releva avec un soupir et enfila une veste. Il faisait quand même sacrément froid hors du lit. Il sortit de sa chambre et chercha Mazel du regard, jusqu'à la repérer dans la cuisine. Que faisait-elle dans la cuisine, elle qui ne mangeait jamais rien ?

-Un problème ?

Il ne l'appelait jamais ni par son nom, ni "maîtresse" comme le faisaient d'autres humains. Rien à faire, il ne se considérerait jamais comme un esclave. L'esclavage était aboli depuis longtemps, quand même !

-Lâche-moi avec ça.

Mazel soupira, faisant soupirer son stylo entre ses doigts sans écouter le moins du monde ce qui se passait autour. Tout ça l'ennuyait, cette vie prétendument humaine pour avoir un appartement où vivre...Sa secrétaire haussa les épaules et recommença à mordiller le bout de son crayon avant e quitter la pièce. La vampire laissa tomber sa tête sur la table, fixant l'objet qui tournait toujours sur sa main, les paupières à demi-closes. Le soleil, même si le temps extérieur ne lui permettait pas de briller, l'affaiblissait, et en plus ça faisait un certain temps qu'elle n'avait pas eu grand eu grand chose pour se nourrir... Elle n'était donc d'humeur ni à entendre cette pseudo-employée raconter n'importe quoi sur elle et Valerian, ni d'écouter ce que pouvaient bien lui vouloir ses associés. Finalement, elle rangea le stylo dans sa poche et se leva, traînant des pieds jusqu'à l'extérieur de la pièce sans remarque ni commentaire. Une fois dehors, elle remit sa veste en place pour protéger ses épaules au cas ou le soleil sortirait à travers un nuage. Puis elle rentra simplement chez elle, s'asseyant sur le bord d'une table en fixant le sol.

Mazel ferma un instant les yeux. Elle n'arrivait pas à savoir si les humaines étaient juste stupides, si c'étaient elles qui voyaient de l'amour partout ou juste elle qui était incapable de le voir nulle part ou d'y penser un seul instant. Même si elle avait déjà couché avec Val un certain nombre de fois, ça n'était pas sentimental entre eux. Du moins dans sa tête. Mais d'un autre côté, aucune des filles qu'elle côtoyait ne pouvait savoir pourquoi elle le gardait près d'elle. Ni pourquoi elle s'inq... D'ailleurs pourquoi elle s'inquiétait pour lui ?

Elle soupira. Elle avait quand même remarqué qu'il n'allait pas bien et même si elle ne faisait pas dans l'humanitaire c'était majoritairement pour ça qu'elle évitait de boire trop et qu'elle allait finir au bord de l'anémie si elle continuait comme ça... Et comme elle n'avait pas tellement envie de tomber en torpeur ou de devenir folle furieuse, il faudrait quand même qu'elle sache ce qu'il avait. Ou comment faire passer de l'inquiétude pour de l'égoïsme...

De toute façon le soleil commençait à se montrer à travers la prétendue tempête, qui avait réellement duré trop peu de temps pour en être une, et par conséquent elle ne pouvait pas sortir maintenant. Donc elle ferma les quelques rideaux encore ouverts, plongeant l'appartement dans une totale obscurité, et s'allongeant sur le sofa en fermant les yeux. Flemme d'aller jusqu'à un lit. De toute façon, si elle sentait un quelconque besoin de "dormir", c'était à cause de sa soif. Les prémices de ce qui se passerait si elle ne buvait pas... En espérant qu'elle aurait la force de se lever cette nuit.

C'est avec beaucoup de mal qu'elle se sortit de sa semi-torpeur quand le soleil déclina, les yeux à moitié dans le vague. Ok, là, il fallait vraiment qu'elle boive. n'importe quoi, n'importe qui, mais il lui fallait du sang. Et c'était genre... urgent. Elle discuterait plus tard. De toute façon, elle ne savait pas où il était...

Vacillant légèrement, elle sortit de chez elle et descendit dans la rue, cherchant quelqu'un, n'importe quelle personne pouvant passer à sa portée. Faiblement, elle appuya sa main sur un mur pour se soutenir en gardant difficilement les yeux ouverts... et quelqu’un, un inconnu, s'inquiéta de son état et s'approcha d'elle. Trop altruiste, trop gentil peut-être... Mazel attrapa son poignet, y plantant ses crocs à la grande surprise de l'homme pour boire son sang, le laissant au bord d'être exsangue en s'essuyant les lèvres. De toute façon, il oublierait.

Sans un regard derrière elle, la vampire se dirigea vers la ville, détaillant la foule. Mais il était où, encore ? Rentré ? Elle n'avait vu personne... En même temps elle était totalement amorphe en sortant, et n'avait pas prêté attention à grand chose. Ça devenait grave, là... Elle soupira à nouveau, haussant les épaules, et rentra...

Une fois arrivée, elle put constater que Valerian était effectivement rentré au tas de nourriture à moitié mangée qui traînait dans une assiette encore posée sur la table. Sincèrement, il ne pouvait pas manger proprement.. ou au moins, manger tout, quoi. Pas qu'elle y prête réellement attention, mais quand même. Elle s'assit tranquillement dans la cuisine et appela celui qui lui servait techniquement d'esclave, même si finalement elle ne lui demandait jamais vraiment de faire grand chose. De nourriture, majoritairement... Et elle s'efforça, autant qu'elle put, d'avoir l'air aussi neutre et inexpressive que d'habitude. pas facile... Et l'inquiétude qui ressortait légèrement dans sa voix l'éloignait un peu du résultat souhaité...

-Val... Il y a quelque chose qui ne va pas en ce moment ?..

Bon.. C'était une phrase absolument inutile, certes. Mais elle n'avait pas les gènes "compassion", "consolation" et "inquiétude" de base, alors c'était pas vraiment évident...

Quelque chose qui ne va pas... Valerian l'observa comme s'il était en train de rêver. Elle s'inquiétait pour lui ? C'était nouveau, ça. Mais quelle question idiote et sans aucun fondements... Il n’avait pas l’air si déprimé que ça, non?... A vrai dire oui, mais il s’en fichait comme tout. Il n’avait même pas envie de la voire, elle… c’était comme si… mais bon, après tout, il était encore son esclave, vendu pour… pour quelque chose dont il ignorait tout. Il ne connaissait pas les détails du pacte, le rôle qu'elle voulait qu'il joue. Il ne connaissait rien. Et il n'avait pas envie de savoir à quel prix il avait vendu sa vie.

Se tournant vers elle, il lui lança un de ces faux sourires si facilement remarquable et esquiva sa question de manière plus que simple. Les yeux vides, ne daignant même pas la regarder dans les yeux, ne daignant même pas croiser son regard, il ne fit que dire :

-Non… ça va…

Calmement, d’une voix basse. Il tendit alors son poignet et lui dit :

-Vous avez faim ?

Afin d’écarter toutes les questions possibles… et possiblement de terminer cette conversation. Il ne voulait plus la voir, plus lu parler. Elle l'agaçait au plus haut point, avec ses jeux de pouvoir et sa fausse sollicitude. Elle se débarrasserait de lui comme des autres, un jours, et puis voilà. De toute façon elle était immortelle, et il n'avait aucune envie de l'être. La vie de mortel était rassurante dans le fait qu'elle finirait un jour. Mazel avait vengé ses parents, mais elle lui avait volé sa vie. Il ne supportait plus de la voir.