Richesse et grandeur. Des mots qui, pour le commun des mortels et des immortels, ne sont que des chimères, des rêves et des sources de jalousie. Oui mais aujourd'hui, cette richesse et cette grandeur offraient au monde la possibilité de les entrevoir, de les admirer et de s'y plonger, le temps d'un bal fastueux et magnifiquement décoré.

D'un petit gymnase de centre-ville, Rikyu Shimizu avait fait quelque chose de somptueux pour plaire à ses nombreux invités, qu'ils soient de la haute société ou d'une classe plus moyenne. Les douches communes avaient été agencée, grâce à de luxueux paravents et de splendides rideaux, en cabines individuelles pour les plus maniaques, ou ceux qui n'auraient l'autorisation d'entrer qu'après une bonne douche et un tour par la case dressing. Les vestiaires, réaménagés et redécorés, avec employés, mettaient à la disposition des invités de splendides robes de cocktails et des costumes classes le temps d'une soirée, pour s'accorder avec la foule qui entouraient constamment la riche famille Shimizu. Les salles avaient été nettoyées et remises à neuf, et les grandes portes qui les séparaient, ainsi qu'une grande partie des murs, avaient été nappées de velours ou recouvertes de grands rideaux immaculés. Sur le sol de la pièce étaient disposés d'élégants tapis. Au final, le gymnase ressemblait à tout, sauf à un gymnase.

Des lustres clinquants avaient été accrochés au plafond, remplaçant pour quelques heures les fades lumières de la ville. Certains, entourés de voiles rouges, bleus ou noirs donnaient une atmosphère différente à la pièce qu'ils éclairaient. De grandes tables se succédaient de pièce en pièce, disposées contre les murs et faisant étalage de nombreuses victuailles, du buffet froid aux petits fours, en passant par un nombre incalculables de plats exotiques différents, pour que chacun s'y retrouve. Le nom Shimizu figurait en lettres d'or à l'entré, remplaçant le traditionnel "Gymnase", et de nombreux valets accueillaient une foule intarissable de visiteurs. A l'intérieur, la foule s'était divisée entre danseurs et passifs, et des servantes passaient entre les invités, un plateau de verres à la main.

C'était cher. C'était princier. C'était la famille Shimizu sous son air le plus snob et le plus éclatant.


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Shizuo déambulait entre les tables, parcourant du regard les différents mets que son père avait achetés. Rien ne pouvait lui plaire, mais il se souvenait de l'époque où il se cachait sous des tables semblables, avec sa chère petite soeur, pour voler en cachette quelques petits fours qu'ils avaient pourtant tout à faire le droit de manger. Son père était un Inconscient, du moins il n'avait jamais laissé penser le contraire. Il n'avait donc définitivement rien à se mettre sous la dent... A part deux ou trois danseuses particulièrement séduisantes. Fort bien, il s'en contenterait.

De loin, il aperçut Yasuo en pleine conversation vivace et énergique avec un homme qui était de toute évidence aussi riche qu'eux. Il se demanda quelques instants si son frère aîné était en train de draguer l'homme en question. Puis il s'en détourna.

Dans un coin, Kazuo s'était isolé avec un livre, ne souhaitant pas se mêler à la foule. C'était déjà exceptionnel que son frère soit présent, et il se demandait bien pourquoi il était venu à un bal uniquement pour rester seul, comme à son habitude, et ne parler à personne. Il adorait Kazuo, mais il avait parfois du mal à le suivre. Mais au moins, ce soir, son frère ne lui ferait pas la morale. Même s'il le voyait séduire deux ou trois filles différentes dans la même soirée.

Quant à Leiko... Et bien elle était déjà dans les bras d'un homme, dansant de la façon sensuelle et langoureuse qui la caractérisait, toujours en rythme avec la musique... et toujours avec un étrange regard dans sa direction. Sans doute voulait-elle tant lui ressembler qu'elle recherchait son approbation. Il lui offrit un magnifique sourire puis parcourut la foule à la recherche d'une jolie femme à séduire.

Spoiler:

Shimizu. Le nom avait attiré son regard sur un journal qui dépassait, dans la rue. Elle avait une rancoeur certaine envers le troisième rejeton de Rikyu Shimizu... Le genre de rancoeur dont on ne se sort qu'après un bon coup en pleine face. Le problème c'était que bal signifiait tenue correcte, ou tout autre adjectif supérieur qu'on pourrait y accoler, et qu'elle n'était pas du tout fan de ce genre de tenues. Du coup elle n'avait pas grand chose à se mettre. Tant pis. Si elle devait se faire jeter à l'entrée, soit. Mais elle voulait quand même essayer de faire comprendre à ce cher Shizuo qu'il n'avait pas tout les droits sur la population terrestre.

Bien sûr, elle se doute que ce ne serait pas si simple. Shizuo Shimizu était un homme important, et bien vu, quoiqu'elle se demande toujours pourquoi vu son comportement général. Il aurait peut-être des gardes du corps, voire une foule d'admiratrice. mais elle rêvait tellement de lui faire regretter son comportement qu'elle était prête à passer outre. Elle n'était plus à ça près, après tout. Et si le Conseil était sur les lieux, il ne pourrait pas faire de grabuge comme d'habitude.

Du coup, Izumi enfila sa tenue habituelle et traversa son quartier jusqu'à atteindre Wangyun, et le gymnase redécoré. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette famille ne baignait pas dans la modestie. Ca lui rappelait de vieux souvenir, quand elle vivait encore chez le roi de lycans, bien avant qu'elle sache qu'il s'agissait de son père. Cette époque lui manquait. Et comme elle n'était pas prête de quitter l'île, et que le pouvoir ne redeviendrait sûrement pas royal avant longtemps, elle était partie pour lui manquer longtemps. A l'entrée, on la força à suivre un valet qui la conduisit aux vestiaires et lui recommanda de se laver les pieds pour enfiler des chaussures. Des chaussures... Elle détestait ça... Mais si elle voulait entrer, elle n'avait pas grandement le choix. A contrecoeur, elle opta pour de petites chaussures les plus plates possibles, et pour une longue robe pourpre. Elle avait toujours adoré le violet... elle songeait à se teindre les cheveux en violet, d'ailleurs.

Bref, finalement prête à entrer, Izumi se la joua princesse à son arrivée dans la salle. Un décolleté plongeant et une robe qui dansait sur ses hanches allaient lui attirer un certain nombre de regard. Moins que d'habitude, mais quand même. Elle n'y accordait pas d'importance particulière. Un regard l'intéressait... celui de Shizuo, histoire qu'elle puisse lui faire comprendre qu'on ne se moque pas impunément d'une princesse lycanne.

Dans la foule, elle finit par repérer le séducteur de la famille. Sa simple vue l'exaspérait d'avance. Elle s'approcha de lui alors qu'il était encore en pleine conversation avec une femme.

- Shimizu... Tu te souviens de moi, non ?

Au diable la politesse.

Satzuki ouvrit les yeux. Après un rapide regard au calendrier accroché à côté de son lit, elle se rendit compte que le bal auquel elle avait décidé d'aller commençait ce soir. Et après un rapide coup d'oeil à son réveil, elle se rendit compte qu'il était plus de 14h. Ok... Le temps qu'elle se prépare et qu'elle se rende au Secteur Asie, elle ne devrait pas être en retard... Heureusement qu'elle avait déposé un congé pour la journée... et pour la nuit. Kaiko avait aussi quelque chose de prévu, de toute manière. Elle ne pouvait pas travailler sans lui.

Satzuki se leva, finalement, et alla se passer de l'eau sur son visage, histoire de rincer d'éventuelles traces de sang. Bon point, elle était chez elle. Quelquefois, elle se réveillait chez Kaiko et ça lui compliquait sérieusement la vie. Elle jeta un oeil à son apparence. En dehors des cernes sous ses yeux, facilement camouflable avec le maquillage qu'on lui avait offert à noël, elle n'avait rien de spécialement remarquable. Tant mieux, elle n'aimait pas spécialement qu'on la dévisage. Elle fila sous la douche, bien qu'elle en ait déjà pris une la veille au soir, et se balada en sous-vêtements le temps de se maquiller et d'arranger ses cheveux. Elle ne voyait pas Kaiko ce soir, donc pas besoin de sous-vêtements particulièrement sexy. Un truc simple suffisait. Une fois maquillée, elle fouilla son armoire à la recherche de la longue robe bleue à motifs et à rubans qu'elle avait achetée trois ans plus tôt, et qu'elle n'avait que peu portée depuis. C'était l'occasion idéale. Classe et mignonne, c'était parfaitement son genre de fringues. Elle trouva rapidement des talons assortis dans l'immense collections de chaussures que Kaiko persistait à agrandir et quitta son appartement.

Elle n'avait pas envie de prendre le métro dans cette tenue, alors elle se résolut à y aller en moto, malgré le danger que représentaient cette robe pas assez longue et ces chaussures pas assez hautes. Tant pis. Pour ce soir, elle roulerait moins vite, ce n'était pas comme si elle était pressée, après tout. Elle se passa de casque, aussi, pour ne pas se décoiffer trop. Kaiko l'aurait tuée en la voyant se mettre autant en danger. Tant pis, elle avait l'habitude de prendre des risques.

Finalement, elle arriva au bal alors qu'il y avait encore peu de monde, ce qui lui sembla absolument inconcevable. Elle fit le tour des lieux en attendant que l'endroit se peuple mais, même une fois que tout le monde fut arrivé, elle ne se sentait pas trop à son aise. D'habitude, à cette heure-là, et quand elle allait à ce genre de soirée, c'était principalement pour tuer des gens. Y aller en parfaite innocence et simplement pour s'amuser lui paraissait difficile. Elle saisit au passage un verre de champagne qui arrivait à son niveau et remercia la serveuse d'un signe de tête. Ce n'était pas son monde. Mais la plupart des gens d'ici n'en faisaient pas partie non plus. Restait à trouver les gens en question.

Un bal... Pour quelle raison s'était-elle senti obligée d'y aller ?

Mio n'avait pas de tenue appropriée pour un bal, même après avoir retourné son armoire trois ou quatre fois. Elle soupira. A défaut, elle se contenta d'une robe fade qu'elle avait reçue de ses parents. Elle n'aimait pas cette robe, mais tant pis. Elle espérait juste que la porter ne lui attirerait pas trop de regards. Après quelques coups d'oeils autour d'elle, elle finit par repérer un sac à main dans lequel elle rangea un livre, au cas où elle s'ennuierait, et ses habituels sachets de thé et tasse, même si elle doutait d'en boire pendant le bal.

Dans un soupir qui en disait long sur son exaspération, elle se changea et enfila la robe, grimaçant en voyant ses formes contournée avec soin. Elle l'imaginait moulante, mais pas forcément à ce point... Le principe du changement de Secteur la rassura quand même. Au moins, peu de personnes pourraient la reconnaître. Sinon, elle avait l'impression que ce genre de tenue attirerait un peu trop l'attention sur elle pour les jours à venir.

Face au miroir, elle arrangea sa coiffure, attachant quelques mèches dans une discrète pince qui se mêla à la couleur de ses cheveux. Une coiffure discrète pour une fille discrète... Même si la tenu n'était pas franchement accordée à la discrétion...

Curieusement, quand elle arriva, on ne lui demanda pas de se changer, alors qu'elle voyait un certain nombre de personnes conduites aux vestiaires pour emprunter une tenue. Tant mieux, ou tant pis. S'efforçant de se faire le plus invisible possible _ pas évident, soit dit en passant _ Mio se mêla le plus rapidement possible à la foule. Elle n'avait pas spécialement envie de danser sur ce genre de musique mais la piste de danse bondée la mettait un peu à l'abri des regards pour le moment. Et puis peu importe la musique...

Elle était venue sans raison apparente, alors autant danser, histoire que le temps passe plus vite. Elle avait pratiquement enlevé ses chaussures au premier pas de danse, trébuchant sur les talons inconfortables, et avait fini par enfiler des chaussures un peu plus plates qu'elle avait rangées dans son sac avant de partir, au cas où. Tant que personne ne les remarquait, ça passerait.

Au loin, elle repéra un homme plongé dans un livre. Elle allait peut-être faire la même chose, en fin de compte. Ca lui semblait une option sympathique...

Un bal. le concept en lui-même ne l'attirait pas spécialement, parce qu'elle savait que sa timidité maladive prendrait sûrement le pas sur elle dans un lieu aussi bondé. Mais une chose avait retenu son attention. Un nom : Shimizu. Elle ne l'admettrait jamais, mais elle avait sévèrement craqué sur Shizuo, le jour de leur "rencontre", si le mot convenait vraiment. L'idée de le revoir la faisait se sentir comme une collégienne qui va à son premier rendez-vous. Pitoyable. Elle avait déjà ressenti ça, au collège justement et un peu au lycée, mais c'étaient principalement pour des mecs _ et des filles à l'époque _ déjà en couple, ou pour des histoires d'un soir, comme Shizuo en fin de compte. A croire qu'elle n'avait pas franchement évolué. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle était amoureuse _ n'abusons pas non plus _ mais elle avait très envie de le revoir et, éventuellement, de goûter une nouvelle fois à ses lèvres...
Bon, d'accord, elle était amoureuse. Et si ça lui tapait profondément sur les nerfs, elle tentait de faire abstraction.

Malgré tout, Kaelia sortit une longue robe bleu nuit de son armoire et l'enfila sous son habituel gilet rouge. Étrangement, l'ensemble s'accordait plutôt bien. Elle n'emporta pas son arme, pour cette fois, estimant qu'elle n'était pas en danger dans un endroit pareil, et que ses sorts suffiraient en cas de problème. Elle arrangea ses cheveux, repassa un peu son rouge à lèvre et saisit les clefs de son appartement. Quelque chose à triturer pendant le long trajet qui la séparait du Secteur Asie.
Pas de métro en Eurafrique, de toute façon elle n'aimait pas ça. Et comme elle n'aimait pas les bus non plus, elle partit à pieds, à travers les rues de la ville, sentant quelques regards se retourner sur son passage. Oui, elle ne passait pas inaperçu, habillée comme ça. Tant mieux.

Une fois arrivée au gymnase, elle observa d'un oeil désabusé la longue file qui se pressait devant les portes. Oui, c'était un évènement. Même s'il était le fils de l'organisateur, aurait-elle seulement une chance de retrouver Shizuo là-dedans ? Et, même si elle le voyait, aurait-elle seulement le courage d'aller lui adresser la parole ? Elle n'en était pas spécialement sûre. Cette indécision l'exaspérait au plus haut point. Elle franchit finalement les portes du gymnase et, contrairement à ce qu'elle s'imaginait, le repéra presque immédiatement... en pleine conversation avec une femme. Elle grimaça. Non pas qu'elle s'attendait à ce qu'il n'en approche aucune, mais elle n'avait surtout pas envie d'aller le voir et de bousiller son plan drague. Tant pis, elle attendrait. Et si elle ne pouvait pas le voir ce soir, elle trouverait bien d'autres occasions. Ou d'autre hommes.

Mihènseun aimait bien ce genre d’évènements. C'était l'occasion rêvée de rencontrer de nouvelles femmes plus jolies les une que les autres. Alors forcément, il avait toute une flopée de tenue adaptée pour ces situations. Il hésita longtemps, dans son dressing, entre une dizaine de tenue de soirée avant d'opter pour un classique noir, léger, qu'il choisissait dans 90% des cas. Malgré tout, il ne se sépara pas de son manteau. Les marques sur sa gorge étaient trop visibles pour qu'il permette à tous les invités du bal d'avoir l'occasion de les apercevoir.

Contrairement à d'autres, lui n'était pas spécialement adepte de la marche à pieds. Pour tout dire, il détestait ça, et il aurait donné n'importe quoi pour avoir les ailes de Levlal. Le pégase était encore en train de voler quelque part, et lui était contraint de marcher. Injuste. Cela dit, il finit par trouver un bus pas trop plein qui menait à la frontière avec le Secteur Asie et s'y assit avec un soupir de soulagement. Sa cheville lui faisait mal... Parfois, il se demandait s'il n'avait pas un peu de sang démoniaque dans les veines, ce qui expliquerait pourquoi il gardait ses blessures aussi longtemps, et pourquoi son frère avait été si facilement influençable par le démon qui l'avait corrompu.

En descendant du bus, il traversa la frontière en boitillant et chercha des yeux un autre moyen de transport, quel qu'il soit, pour atteindre le Centre-ville. Et ils étaient nombreux. Il finit par trouver celui qui l’amènerait le plus près du gymnase et arriva finalement au bal, la cheville pas trop douloureuse pour une fois. Qui sait, il pourrait peut-être danser, aujourd'hui.

Sitôt à l'intérieur, son regard repéra immédiatement une jeune femme, aux cheveux aussi argentés que lui, qui semblait perdue dans ses pensées. La soirée commençait bien. D'un geste, il attrapa deux verres sur un plateau d'argent qui passait par là et s'approcha d'elle.

-C'est dommage pour une si jolie jeune femme de rester seule ce soir.

La dernière fois qu'Ezechiele était allé à un bal, c'était le bal de fin d'année d'une université américaine presque un siècle auparavant. Le concept avait dû changer, depuis. Ça le tentait bien d'aller y faire un tour, même s'il n'avait aucune tenue spécifiquement appropriée. Intérieurement, il espérait que Lilly ne viendrait pas, elle aurait été capable de faire un scandale au beau milieu de la soirée et il n'avait pas envie de se faire virer à coup de pieds. Les coups de pieds, ça devenait vite lassant, en fait.

Problème numéro 1, il ne connaissait absolument pas le chemin vers le secteur Asiatique. Mais en y réfléchissant bien, il savait aller en Austramériques, et le métro était mieux indiqué que les lignes de bus d'Eurafrique. Soit, il ferait le tour, comme d'habitude. Il faudrait vraiment qu'il apprenne un chemin plus court. Le métro l'amena finalement à la frontière et il décida de marcher en ligne droite jusqu'à atteindre le centre-ville, puisque c'était là, de mémoire, que se trouvait le gymnase de la fête. Il se demanda un instant pourquoi il était venu ici. Il n'avait rien de spécial à faire dans un bal, en fin de compte. Mais bon, ça faisait longtemps qu'il n'avait pas dansé, ça pouvait être amusant. Et ça l'éloignait un peu de l'étouffante atmosphère de son immeuble.

A l'entrée, on le poussa dans des vestiaires pour qu'il choisisse une tenue plus "adaptée". Il soupira mais s'exécuta, regardant d'un air dédaigneux l'alignement de tenues plus classes les unes que les autres qui ne lui correspondaient absolument pas. Point positif cela dit, comme ce n'était pas trop son genre de vêtements, peut-être que ses ennemis ne le reconnaîtraient pas. Il avait envie de passer une soirée tranquille, pour une fois.

Dès qu'il fut dans la pièce, Ezechiele remarqua deux choses. D'abord, que la fille Shimizu était vraiment jolie, et qu'elle avait un succès fou, mais qu'elle semblait totalement absorbée par un homme qui, vu leur ressemblance, était sûrement de sa famille. Ensuite, que la gamine qui lui avait volé son couteau et qui s'était battue avec Lilly, à moins que ce ne soit l'ordre inverse, était là elle aussi. Aucune trace de sa chère ennemie démoniaque, cependant. Il hésita à aller réclamer son arme à Mio. Mais bon, si elle était là, c'est qu'elle ne l'avait sûrement pas sur elle, à moins d'être sacrément parano. Au lieu de ça, il s'avança vers les tables et rejoignit la petite foule de gens qui grignotaient, appuyés sur le mur en regardant les danseurs.

Izumi Keyuko... Il pensait s'être débarrassé d'elle, mais il aurait dû songer au fait que son nom ne passait pas spécialement inaperçu. Cela dit, en y réfléchissant bien, il y avait pensé, mais il s'était dit que la princesse la plus recherché du monde ne prendrait pas le risque de se montrer ici. Raté. D'autant qu'elle avait un peu interrompu son plan drague de façon assez brutale. Il la saisit par le bras et l'entraîna avec lui, histoire d'éviter de provoquer un scandale au milieu du bal de son père. Rapidement, Shizuo franchit deux ou trois portes pour trouver une pièce vide, et se résolut à la traîner jusque dans un couloir, raffermissant sa prise sur son bras. Et s'il pouvait lui faire mal, en plus, c'était tant mieux.

-Tu as un peu trop de cran a mon goût, princesse. Si tu crois que je n'ai que ça à faire ce soir que de m'intéresser à une lycane prétentieuse, tu te trompes.

Il n'était pas d'humeur à se battre avec elle, d'une. Et puis il n'avait pas spécialement envie d'abîmer ses vêtements. Ils étaient à Kazuo, et il n'était pas sûr que son cher frère aîné apprécierait de les voir déchirés sans tout à fait comprendre pourquoi. En fait, il savait qu'il lui suffisait d'un simple appel pour rameuter tous les gardes du Conseil ici et se débarrasser de cette gêneuse, mais tels qu'il les connaissait ils risquaient de provoquer un incident diplomatique à eux tous seuls. La discrétion n'était pas leur fort.

-Ecoute, je vais faire simple. Je t'ai fait une fleur en ne te dénonçant pas au Conseil. Si tu tiens tant que ça à faire toute une histoire pour un peu de sang, je peux toujours les appeler. Je suis sûrs qu'ils seront ravis.

Tout en disant ça, il commença à composer le numéro d'un de ses supérieurs directs. Tout en espérant qu'elle renoncerait avant et qu'il n'aurait pas à prévenir le Conseil.

Décidément, elle n'aimait vraiment pas cet homme. Non, en fait, elle songeait même à remplacer le terme "ne pas aimer" par quelque chose de nettement plus agressif. Même "haïr" n'était plus assez fort à son goût. Le fait qu'il la traîne derrière lui lui plaisait moyennement, aussi. Surtout que connaissant sa réputation, et vu les regards qu'on leur lançait, elle savait déjà ce que s'imaginaient les gens. Génial.

Dès qu'ils furent seuls, elle dut se retenir très fort de ne pas lui balancer son poing en plein visage. A vrai dire, elle se serait contentée d'une baffe s'il n'avait pas sorti cette phrase. Celle qui la coupa dans son élan. Le Conseil... Oui, Shizuo était Garde du Sang. Mais irait-il jusqu'à gâcher la fête de son père pour se débarrasser d'elle ? Peut-être. Après tout, c'était un égoïste pur et dur, non ? S'il ne pouvait pas s'amuser à ce bal, il se fichait que d'autres s'amusent. Bon, du coup, il échappa à la gifle qu'elle s'apprêtait à lui balancer. Et à la colère aussi. Ou tout du moins à la colère expressive.

- Tu n'oseras pas, crétin. Ternir la réputation de ta famille à ce point te ferais trop mal.

Au fond d'elle-même, elle avait quand même peur qu'il ose. Elle ferait quoi, elle, s'il prévenait vraiment le Conseil de sa présence ? A tous les coups, il se débrouillerait pour qu'ils l’attrapent. Et elle commençait à se lasser d'échapper de justesse à des peines généralement mortelles. Viendrait un jour où elle n'aurait plus autant de chance. Et elle n'était pas pressée que ce jour arrive.

- Tu sais Shimizu, je rêve depuis un certain temps déjà de te refaire le portrait. Je pense que le moment est tout trouvé.

Elle sentait qu'elle s'énervait. Trop. Trop pour que ce soit sain en tout cas. Son bras se crispait. Mauvais. C'était surtout mauvais pour lui, en fait, vu qu'il n'y avait personne d'autre qu'eux dans la salle. Contrôle... Elle contrôlait de mieux en mieux sa transformation. Jusqu'à réussir à transformer seulement une partie d'elle, ou plutôt à contenir le reste. Et elle lui envoya un coup de poing un peu trop griffu et poilu en plein visage.

Quelqu'un lui avait parlé. Non, en fait, ce n'était pas juste quelqu'un. C'était un homme, plutôt séduisant à bien y regarder. De toute façon, Shizuo était occupé, et elle était résolue à ne pas se cloîtrer dans un amour inutile, perdu d'avance et insupportablement lourd. Alors rien ne l'empêchait de se laisser séduire un peu, non ? Elle n'avait jamais juré fidélité à ce très cher séducteur. Alors elle offrit à l'inconnu son plus radieux sourire et accepta volontiers le verre qu'il lui offrait, sans cesser de jouer avec le briquet qu'elle gardait éteint dans sa poche. En résistant furieusement à l'envie de l'en sortir pour en faire briller la flamme.

En fait, seul le feu exerçait sur elle une attirance plus forte et plus violente que l'homme qu'elle était venue chercher ici. Elle décida de se concentrer sur ça. Elle ignorait où était passé son démon, mais ça n'était pas le plus important. A vrai dire, il avait tellement peu de valeur à ses yeux qu'elle ignorait la majeure partie du temps où il se trouvait. Peu importe. Lentement, elle fit tourner son briquet dans sa poche pour le place dans le creux de sa main, murmura un sort à voix très basse et commença à jouer avec le mécanisme. Des flammes s'allumèrent régulièrement, chauffant sa main qu'il protégeait avec son sort. Puis elle tourna la tête vers l'étranger et lui sourit.

- Vous avez bien raison.

Entre temps, elle avait un peu travaillé son anglais. Mais vu l'accent qu'il avait, ça ne devait pas être sa langue natale non plus. Tant mieux.

- Vous n'avez qu'à me tenir compagnie, qu'en dites-vous ?

Elle but une rapide gorgée de champagne et lui sourit à nouveau.

- Mais commençons par le commencement. Je m'appelle Kaelia. Kaelia Denn Yviku. Et vous ?

Un bal. Son père avait décidément le chic pour organiser des évènements longs et populaire. Le genre de chose qui ne lui avait jamais particulièrement plu. Kazuo n'était pas de ceux qui, comme Shizuo et Leiko, aimaient se donner en spectacle à la moindre occasion et se la jouer séduction. Lui, il préférait l'espionnage, ou l'imaginaire. Disons qu'il compensait certaines lacunes de sa vie réelle, et qu'il adorait vraiment ce nouveau gadget qu'il s'était fait greffer. Très utile et très pratique. Tout ça pour dire que, bien que présent au bal par principe, il avait préféré s'isoler dans un coin et lire, comme à son habitude.

Du coin de l'oeil, même s'il était plongé dans son livre, il remarqua Shizuo qui s'éloignait en courant avec une femme, et le regard légèrement vexé de sa soeur. Franchement, comment pouvait-il être aussi aveugle ? Ignorer à ce point les sentiments de Leiko, c'était impossible. Ou alors c'était lui qui faisait une fixette sur elle. Il soupira. Son frère était un vampire. Il vivrait au moins 2000 ans de plus que lui. Il trouvait presque cela injuste, même si ça leur assurait une certaine protection familiale. Que sa sécurité dépende de Shizuo ne lui plaisait pas tant que ça, en fait.

Alors que les images de ce qu'il lisait se succédaient devant ses yeux au fil de sa lecture, il sentit un regard se poser sur lui. Il avait toujours eu une vue perçante, et il ne lui fallut pas longtemps pour se rendre compte que celle qui l'observait avait l'air tout aussi perdue que lui dans cette foule. Ou en tout cas très solitaire. Il remarqua les talons qui dépassaient de son sac. Ah, elle faisait donc partie de ces femmes qui n'étaient pas prêtes à souffrir juste pour être belles. Il les trouvait, en fin de compte, bien plus belles que les autres. Mais ce qu'il remarqua, surtout, c'était le livre qui se trouvait dans le même sac. Et vu le regard qu'elle posait sur lui, son activité la tentait furieusement.

Lentement Kazuo retint la page et ferma son livre, s'avançant parmi la foule de danseurs, surpris pour ceux qui le connaissaient, respectueux pour les autres. Même Leiko lui jeta un regard interrogateur. Il n'y prêta pas attention et se contenta de marcher vers la jeune blonde au livre.

- Bonsoir. Vous n'avez pas l'air très à l'aise ici, peut-être préféreriez-vous aller lire à l'écart ?

Il lui sourit, histoire de ne pas trop lui faire peur, et désigna son livre du regard.

- Ne vous en faites pas, on ne vous trouvera pas étrange pour autant.

Il ne savait même pas pourquoi il lui proposait ça. Elle lui avait tapé dans l'oeil, c'est vrai, mais elle lui avait surtout fait un peu de peine. Elle n'avait pas envie d'être là, ça se voyait un peu, et une personne ayant envie de venir n'aurait pas emporté un livre. Finalement, elle lui faisait un peu pensait à lui. De l'empathie, sûrement.

Il se passa quelque chose de très étrange. D'abord, Mio aperçut du coin de l'oeil l'homme à qui elle avait volé le poignard actuellement caché au fond de son sac. Ensuite, elle manqua d'être bousculé par un homme qui partait en courant en serrant le poignet d'une femme. Enfin, l'homme qu'elle avait vu lire dans un coin était en train de marcher vers elle. Ca faisait beaucoup d'hommes. Peut-être un peu trop pour elle, en fait. Là, tout de suite, son cerveau lui hurlait de partir et d'aller se cacher quelque part. Sauf que l'autre s'avançait vers elle. Et que timidité ou pas, elle avait suffisamment de manière pour ne pas partir en courant lorsque quelqu'un avait de toute évidence l'intention de lui adresser la parole.

Problème : Mio oubliait souvent sa tendance assez agaçante à tomber amoureuse de n'importe qui. Et quand elle croisa le regard de l'homme, son coeur manqua un battement. Et il accéléra. Pendant un moment, elle se dit qu'il allait l'entendre, et elle se sentit rougir. Bien, c'était parfait ça, génial ! Voilà qu'elle tombait amoureuse d'un parfait inconnu qui, vu son visage, ne parlait sûrement pas ses deux langues. Elle ne pouvait pas imaginer qu'il était le fils prodige des Shimizu, et donc qu'elle le sous-estimait largement.

» Lire ?..

A bien y réfléchir, elle y avait pensé. Elle n'aimait pas attirer l'attention, et danser attirait à un moment ou un autre l'attention. M'enfin, vu qu'il l'avait repérée, c'est qu'elle n'était pas si discrète que ça. Et intérieurement, elle avait bien envie de lire à ses côtés, même si son coup de foudre y était pour beaucoup. Qu'est-ce qu'elle risquait ? Si elle restait dans cette foule, elle finirait par frapper quelqu'un. Autant s'écarter. Elle s'efforça de sourire.

» Oui, pourquoi pas ?

Elle ne savait pas trop quoi dire, mais il n'avait pas l'air très bavard. Lentement, et en jetant de discrets regards dans sa direction, elle s'avança vers l'endroit où elle l'avait repéré un peu plus tôt et s'appuya sur le même mur, sortant son livre. Elle n'était pas sûr que ce soit le summun de la discrétion mais au moins, personne ne viendrait les déranger. Du moins elle l'espérait.

Shizuo poussa un soupir. Bon, elle commençait à devenir profondément chiante, la princesse, là. Il lui jeta un regard glacial, ce qui vu son pouvoir aurait presque pu être dit au sens propre, et se dit qu'il aurait mieux fait de la traîner jusqu'à une douche, glacée de préférence, histoire de s'en débarrasser. Il n'avait pas que ça à faire. Se battre avec une lycanne hystérique n'avait jamais fait partie de ses passions. Il poussa un soupir exaspéré et passa sa main dans ses cheveux, achevant le décoiffage provoqué par sa course.

- Je te l'ai déjà dit, tu....

Il ne finit pas sa phrase. Tout simplement parce qu'un coup de poing tout sauf humain cogna sa mâchoire et le fit reculer contre le mur. Ok, là, elle cherchait la guerre. Il n'aimait pas qu'on lui cherche des noises. Et si son regard était précédemment glacial, il était si froid maintenant qu'il aurait pu tuer un lycan en un seul coup. Et son pouvoir réagit parfaitement à sa colère. Il sentit plus qu'il ne vit la glace tenter de s'agripper à lui, repoussée par le simple fait qu'il l'avait invoquée. Par contre, pour Izumi, ça n'avait pas le même effet. Elle grimpait, dangereusement, rampant comme de fins fils blancs et tout à fait gelés qui semblaient déterminés à lui faire mal. Tant mieux. Et si elle pouvait hurler au passage, ça serait parfait.

- Je disais donc. Je t'ai trop vue pour ce soir. Et tu as tort. Le moment n'est pas du tout bien choisi, c'est même le pire moment que tu aurais pu trouver.

Shizuo s'aperçut alors qu'il en avait oublié d'appeler. Bon, en fait, il n'en avait pas vraiment eu l'intention. Mais il se rendit surtout compte que son téléphone était à ses pieds. Elle avait dû frapper sacrément fort, quand même. Avec un soupir, il se redressa et ramassa l'apareil.

- Ah, j'oubliais.

Il se concentra quelques instants pour contrôler son pouvoir et sa main se couvrir de glace, au point qu'il put même en sentir le froid. Peu importe. Il se contenta d'envoyer son poing gelé directement dans la mâchoire de la lycanne. Puis il lui lança un regard dédaigneux et s'éloigna dans les couloirs. Il avait mieux à faire.

Cressel était curieuse. Très curieuse même. Alors forcément, quand le journal pour lequel elle travaillait avait parlé du bal Shimizu, elle avait mené sa petite enquête sur cette famille. D'ailleurs, même s'il ne l'avouerait jamais, elle avait filé un bon nombre d'informations au collègue qui avait écrit l'article. Du coup, maintenant elle connaissait à peu près tout. De l'amour de Leiko pour Shizuo à l'enlèvement de celle-ci, de la transformation en vampire de Shizuo et même d'un certain nombre de missions d'espionnage de Kazuo. Comme quoi, avec les bons informateurs, elle pouvait tout faire. Et elle adorait se le prouver. C'était très divertissant.

En fait, ces informations ne lui servaient pas à grand chose, à moins que du jour au lendemain l'entreprise Shimizu ne sombre à cause d'un scandale et qu'on lui demande de couvrir le fait divers. Mais c'était peu probable, Rikyu faisait très attention à ce que ce genre de choses n'arrive pas. Donc elle possédait des informations qui n'avaient pas d'intérêt à long terme. Mais qui satisfaisait sa curiosité. Elle aimait beaucoup satisfaire sa curiosité.

Du coup, histoire d'en rajouter un peu, elle décida de se rendre à ce bal. Pour une fois, elle n'emporta pas bloc et crayon pour noter ce qu'elle voyait, ce qui devenait de plus en plus rare en vérité, et elle fouilla dans son armoire trop pleine jusqu'à trouver sa robe la plus appropriée. Qu'elle trouvait, d'ailleurs, absolument magnifique.

Cressel arriva en retard. De toute façon, elle n'était pas attendue, comme la plupart des personnes dans ce gymnase. Lorsqu'elle entra, elle constata que des petits groupes s'étaient déjà formés, remarqua Kazuo en compagnie d'une jeune fille, Leiko qui semblait totalement désemparée et Yasuo avec un homme. Mais pas Shizuo. Ce qui expliquait l'expression de Leiko, en fait. Sans doute s'était-il éloigné avec une femme. Cressel sourit. Bah, la plupart des hommes comme Shizuo avait un grand nombre de femmes à leurs pieds. Il allait bien falloir qu'elle s'habitude, la petite soeur. Elle-même, si on lui donnait l'occasion, elle ne dirait pas non à une nuit avec Shizuo. Enfin bon.

D'un regard, elle parcourut la foule. Quelques personnes retinrent son attention, mais son regard se figea sur la nourriture. De la nourriture... Depuis combien d'années n'avait-elle rien mangé qui ne soit pas du sang ? Combien de décennies, même ? Elle était presque sûre de s'approcher du siècle, et elle savait que même si elle goûtait un des gâteaux alignés sur la table, il n'aurait pas de goût pour elle. Désespérant, quand on y pense. Malgré tout, ses pas la conduisirent à la table en question, et elle se retrouva très vite à fixer la nourriture en se demanda pour quelle raison elle se torturait ainsi. Puis elle tourna la tête. Et son instinct de reporter grésilla. Cet homme... bon non, c'était un démon en fait. Son journal en parlait souvent, elle avait trouvé un certains nombres d'archives qui parlaient de lui. Malgré tout, elle ne se souvenait pas de son nom.

- Bonsoir, dit-elle sobrement avant de boire une gorgée d'un verre qu'elle avait attrappé au passage et qui n'avait absolument aucune saveur.

Charmante cette jeune femme, vraiment. Il lui offrit un radieux sourire. S'il avait su qu'elle était un mage noir, il aurait sans doute été moins enthousiaste. S'il avait su qu'elle était venue pour un autre homme aussi, d'ailleurs. Mais comme son démon n'était pas là, et que Shizuo s'était trop éloigné pour qu'elle puisse le dévorer des yeux, il ne le savait pas. Donc il était de bonne humeur et bien décidé à la séduire. Ce qui ne s'annonçait pas très difficile, en fait. Cela dit, il ignorait totalement que le coeur de la jeune femme avait très peu de chances de lui appartenir.

Il remarqua le léger accent dans sa voix. Europe de l'est, alors que le sien était nordique. Ce qui, au yeux de pas mal de monde, n'était pas grandement différent. Il remarqua aussi qu'elle jouait avec quelque chose dans sa poche. Bon, c'était bien gentil de l'observer histoire de noter toutes ses particularités, mais c'était peut-être une bonne idée de lui répondre, aussi.

- Mihènseun Eunicien. Mais appelez-moi Mih, comme tout le monde.

Non parce que son prénom, même dans son pays d'origine, avait tendance à faire s'écarquiller les yeux des gens. Et qu'il préférait éviter des heures de discussion à les voir essayer de le prononcer.

Il but quelques gorgées de son verre, pensif.

Izumi serra les dents. Hors de question de lui faire le plaisir de montrer qu'elle avait mal. Même lorsque la glace escalada ses jambes, elle resta la plus silencieuse et la plus stoïque possible, malgré la pression atroce du froid sur son coeur. Elle détestait cette homme. Et encore, détester était trop faible. Seule la glace l'empêcha de vaciller en arrière lorsqu'il la frappa au visage, mais le froid dont il avait enveloppé son poing lui fit bien plus mal que l'impact lui-même. Malgré tout, elle attendit qu'il soit parti et que la glace s'estompe pour se replier au sol et pousser un gémissement douloureux. Il fallait qu'elle élimine cet homme. Il fallait qu'elle le voit brûler de ses propres yeux pour se sentir mieux. Ou qu'elle réussisse à quitter définitivement cette île. Hors, seuls les personnages importants au sein des communautés pouvaient quitter l'île. Il fallait qu'elle reprenne le pouvoir...

C'est toute à ses pensées noires qu'elle revint dans la salle, en vacillant légèrement. Son coeur lui faisait mal, mais c'était surtout son orgueil qu'il avait profondément blessé. Il fallait qu'elle s'éloigne de lui. Le plus définitivement possible. Une fois dans la grande salle du gymnase, elle décida de s'appuyer contre un mur pour ne pas montrer sa faiblesse et scruta la foule. Elle repéra trois ou quatre Gardes Noirs, mais ils ne l'intéressaient pas. Tant pis pour Shizuo, il fallait juste qu'elle regarde dans une direction opposée à la sienne pour le moment. Puisqu'elle était là, autant en profiter pour s'amuser un peu... ou pour se faire des alliés.

Ezechiele releva les yeux du mini-chausson aux pommes qu'il s'apprêtait à manger lorsqu'il s'aperçut qu'on s'adressait à lui. La femme qui lui avait parlé était étrange. Il n'aurait pas su lui donner d'âge, comme pour n'importe qui d'autre, mais il n'arrivait pas à déterminer son espèce. Il aurait senti un mage, ou un démon, mais il voyait mal un lycan se promener sur le territoire de Shizuo Shimizu et encore moins un vampire boire de l'alcool. Et il aurait mis sa main à couper qu'elle n'était pas humaine. Et puis il s'en fichait, en fait. Ca n'avait pas d'importance. « Bonsoir. ».

Il était venu ici parce qu'il n'était pas allé à un bal depuis des décennies - littéralement - et rien ne l'empêchait d'essayer d'avoir au moins une amie dans sa vie. De toute évidence, elle le connaissait. Ou du moins elle avait l'air de le connaître. Ce qui n'était pas surprenant compte tenu du fait qu'il était régulièrement dans le journal, mais l'était quand même si on considérait qu'il n'y avait jamais sa photo de publiée. Travaille-t-elle pour ce journal ? Bah, qui ne tente rien n'a rien. « Vous travaillez au Direct de Mixégion ? A moins qu'on ne se soit croisés il y a longtemps et que j'ai oublié. ». Longtemps, pour lui, pouvait s'étendre sur cent ans. il avait sûrement oublié pas mal de monde.

Elle ne savait pas qui était cet homme. Elle savait juste que comme cela faisait moins d'une semaine qu'elle n'avait pas touché à un homme, son corps manifestait des signes de manque. Signes qui ne se calmeraient que si elle y cédait, ou si elle attendait une semaine de plus. Mais elle n'était pas sûre de vouloir, ou de pouvoir, attendre une semaine de plus. Lui tenir compagnie... Sa propre façon de dire les choses la fit rire. Mouais, tenir compagnie était un mot un peu faible.

Du coin de l'oeil, elle aperçut Shizuo qui revenait dans la salle d'un pas rageur, seul. Donc la fille qu'il traînait derrière lui un peu plus tôt n'était pas une de ses conquêtes, surtout si on considérait qu'il se massait la mâchoire avec application. La pointe de soulagement qu'elle ressentit la blessa dans son orgueil. Ben voyons, voilà qu'elle était jalouse, maintenant. N'avait-elle pas décidé de passer cette nuit avec un autre homme ? Quitte à faire défiler le visage et le corps de Shizuo sous ses paupières.


- Mih, hm ? C'est un nom étrange.

Elle se rapprocha de lui. Elle n'avait pas l'intention de passer la soirée à discuter et, de toute façon, elle n'avait aucun sujet de conversation en tête. Elle écarta doucement la main de l'homme de devant son visage, posant son verre sur la table, et s'empara simplement de ses lèvres, sans prévenir. Ça ne lui arrivait que rarement de n'être pas sous l'emprise de sa timidité, alors autant en profiter avant qu'elle ne revienne au galop.

Sa confrontation avec Izumi était bien jolie, mais ça n'avait pas vraiment fait avancer sa vie. Et elle lui tapait de plus en plus sur les nerfs, la princesse. Heureusement, elle ne l'avait pas suivi _ heureusement pour elle, bien entendu _ ce qui lui laissa le temps d'observer un peu mieux les invités de la soirée. Il repéra un certain nombre de femmes, dont une qui lui sembla familière bien que l'homme qui lui parlait lui cache son visage. Vu qu'il connaissait pas mal de monde, il ne s'attarda pas sur elle _ déjà prise ou déjà occupée_ et chercha des yeux une proie plus accessible.

Rapidement, Shizuo repéra une jolie jeune femme aux cheveux roses, chose pour le moins inhabituelle. Elle était venue seule, ou du moins c'est ce qu'il lui sembla vu qu'il ne vit aucun homme graviter autour d'elle ou la surveiller du regard. Intéressant. De sa démarche assurée habituelle, Shizuo se glissa entre les danseurs, attrapa un verre de champagne sans goût au passage et s'approcha de la jeune femme.

- Bonsoir. Vous semblez bien seule, ce n'est jamais bon signe.

C'était bon signe pour lui, en fait. Mais comme il lui restait des bonnes manières, et surtout parce qu'il n'avait pas envie qu'elle s'enfuie en courant ou en prétextant une excuse bidon, il se présenta en hôte respectable.

- Mais j'en oublie mes bonnes manières. Je suis Shizuo Shmizu, le troisième fils de l'organisateur de cette soirée. Et vous êtes ?

Satzuki commençait furieusement à s'ennuyer. Et elle ne se sentait pas en sécurité ici. Qui savait combien de vampires, de démons, de mages noirs et autres lycans se traînaient nonchalamment à ce bal, observant la foule comme si de rien n'était alors qu'ils étaient plus que potentiellement dangereux ? Elle n'aimait pas cette idée, elle se sentait épiée sans savoir si elle l'était vraiment ou si être Consciente ne l'avait pas rendue totalement paranoïaque.

Elle prit une gorgée de champagne et mit un certain temps à remarquer que quelqu'un s'était approché d'elle. Allons bon, que pouvait bien lui vouloir le troisième fils Shimizu, au juste ? Elle était persuadée d'avoir déjà entendu parler de lui, mais elle ne se souvenait plus vraiment dans quel contexte. Elle avait dû croiser une de ces histoires mondaines qui font glousser les gamines dans un magasine people, sans doute. Même si elle ne se souvenait pas d'avoir ouvert un seul magasine de ce genre dans sa vie. Qu'importe.

- Satzuki. Satzuki Shagicell.

Personne ne connaissait son nom sur cette île. Ou tout du moins, personne ne l'avait associé à la mortelle Zuki, tueuse à gages qui avait pourtant commencé à se faire une réputation parmi les gens de son niveau social. Elle sourit intérieurement. Si un jour elle recevait le nom de Shizuo comme cible, ça pourrait être amusant. Même si elle refuserait sûrement la mission vu qu'elle détestait s'en prendre à des gens qu'elle connaissait de près ou de loin.

- Vous vouliez quelque chose de particulier ?

Bien sûr qu'il voulait quelque chose. Ce genre de personne ne parlait que rarement aux gens sans avoir quelque chose derrière la tête.

Satzuki Shagicell ? Encore une occidentale à laquelle les parents avaient donné un nom japonais.. Bah, c'était à la mode, apparemment. Même s'il avait l'air un peu remastérisée, son prénom. Qu'importe, il l'appellerait Satsuki et mettrait ça sur le compte de son accent japonais. Ce qui n'était pas forcément faux, d'ailleurs.

S'il voulait quelque chose ? Oui, mais il n'allait certainement pas le lui dire comme ça. Sa réaction pourrait être amusante, certes, mais il savait d'expérience que c'était une mauvaise idée. Occidentale ou pas, elle avait l'air suffisamment nerveuse pour lui coller une baffe au moindre écart et il avait eu sa dose de violence pour la soirée.

-Juste discuter. On s'ennuie vite dans ce genre d’événement. Mais c'est assez bruyant par ici... Que diriez-vous d'aller discuter dans la cour ?

Il y avait d'autres personnes dans la cour, mais moins qu'ici. Donc il pourrait utiliser plus sereinement son pouvoir de séduction sur elle... si tant est qu'elle accepte de le suivre. Restait à la mettre en confiance, d'un manière ou 'une autre. Lui offrir à boire pourrait être mal interprété, mais un bon hôte ne laisse jamais le verre de ses invités vide. Il saisit une coupe de champagne qui passait par là et la lui tendit.

-Bien sûr, si vous préférez rester ici, ça ne me dérange pas outre mesure.

En fait si, ça le dérangeait beaucoup mais il aimait bien expérimenter la psychologie inversée.

Juste discuter hein ? Elle avait du mal à y croire. Quoiqu'il avait raison sur un point : il était facile de s'ennuyer ici, et il n'avait pas l'air d'être le genre de personne à s'amuser seul. Et puis pourquoi pas après tout ? Son pistolet était accroché à sa cuisse, donc en cas de problème elle pourrait se défendre. Et puis s'il disait que ça ne le dérangeait pas de rester ici, c'est qu'il ne lui ferait rien, non ?

-Oui, pourquoi pas...

Elle se concentra sur la présence rassurante de son pistolet qui battait au rythme de se pas. Elle ne risquait rien. S'il s'en prenait à elle, elle pourrait toujours tirer. Pas pour le tuer, non. Déjà parce qu'elle n'avait pas le droit de tuer en dehors de ses heures de travail, ensuite parce que tuer le fils des Shimizu à un bal organisé par sa famille n'était pas une bonne idée, enfin parce que des rumeurs disaient que c'était un vampire et qu'elle n'avait aucune envie de les vérifier.

Satzuki se retrouva donc dans la cour, accompagnée de Shizuo sans trop savoir si elle ne venait pas de faire une énorme erreur.

-Je pensais que tous les gens de votre classe sociale aimaient les grandes réceptions.

Après tout, sinon, pourquoi en organiser ? Mais s'il avait dit s'ennuyer, c'est qu'il n'aimait pas ça, lui. Ce qui la surprenait un peu, à vrai dire.

Un nom étrange. le terme était très loin de la vérité. Même lui n'arrivait pas à comprendre d'où ses parents avaient bien pu tirer des noms aussi bizarres. Mais il n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit, puisqu'il se retrouva rapidement en train d'embrasser la jeune femme sans trop comprendre comment il en était arrivé là. Il ne chercha pas plus loin. D'une main, il l'attira contre lui et répondit à son baiser avec fougue. Ça lui épargnait l'étape de séduction, même s'il trouvait ça amusant la plupart du temps, et elle n'avait de toute façon pas l'air d'avoir envie d'attendre. Pourquoi se compliquer la vie, alors ?

Tout en la gardant contre lui, il recula jusqu'à un mur plus éloigné de la foule, puis il sépara leurs lèvres à regrets _c'est qu'elle embrassait sacrément bien, quand même ! D'habitude, il s'amusait à séduire les femmes pour qu'elles tombent sous son charme, mais il était tombé sur une femme d'un autre genre. Du même genre que lui, en fait. Ce n'était pas plus mal.

-Je pense qu'on devrait trouver un endroit plus tranquille.

Après tout, si elle l'avait embrassé comme ça, c'est qu’elle avait l'intention de faire plus, non ?

Oh, elle acceptait. La psychologie inversée était vraiment une pure magie oratoire. Il sourit en s'efforçant de ne pas afficher ses dents. Ce n'était pas le moment de lui faire peur, même si de toute façon il finirait à un moment ou un autre par boire son sang. Il faillit passer le bras par dessus son épaule en sortant, puis il se souvint à la dernière seconde qu'il ne l'avait pas encore vraiment draguée et que c'était une mauvaise idée. il y avait au moins un avantage à être un vampire : séduire les filles devenait deux fois plus simple quand il n'avait pas le courage de jouer avec elles. Et là, il n'avait clairement pas envie de perdre son temps à essayer de lui retourner la cervelle.

Du coup, dès qu'il se retrouva dans la cour avec elle, il se débrouilla pour qu'elle se rapproche d'un arbre au point d'être collée dos au bois, tout en s'efforçant d'avoir l'air parfaitement naturel. Peu importe, elle n'aurait pas le temps de comprendre ou de s'en aller.

-Si vous pensez ça, c'est que vous n'avez jamais rencontré mes frères. ils sont allergiques à la société. Personnellement, je suis surtout allergique à la solitude.

Puis il activa sa séduction vampirique. Il adorait cette capacité, cette espèce d'hypnose qui le rendait, sinon séduisant vu qu'il l'était déjà, au moins fascinant. Il n'arrivait pas à comprendre le concept parce qu'il n'en avait jamais été victime, mais de toute évidence cela empêchait les cibles de penser à autre chose qu'à lui, lui et encore lui. Ce qui était parfait pour un coureur de jupons dans son genre.

-Mais heureusement, la solitude est rare dans ce genre d'évènements.

Il posa ses mains sur le tronc de l'arbre pour encadrer son visage et se pencha vers elle. Puis il fit lentement courir son souffle sur ses lèvres avant de l'embrasser purement et simplement. Un baiser simple et léger, d'abord. Restait à voir comment elle allait réagir.

Malgré tout ce qu'il avait pu dire, Satzuki était mal à l'aise. Son arme lui semblait soudain dérisoire face à lui. Oserait-elle tirer ? Sans doute pas. S'il était vraiment un vampire ? Finalement, ça ne serait peut-être pas plus mal. il boirait son sang et ce serait fini.
Non, elle n'y croyait pas vraiment. Il avait l'air plus intéressé par son corps que par son sang. Fais chier.

Allergique à la solitude, hein ? Elle sentit un frisson glacial courir dans son dos. Voilà, elle avait fait l'erreur à ne pas faire : faire confiance à Shizuo Shimizu au point de le suivre dans un endroit isolé. Mais elle n'y pensa pas longtemps. Elle put presque sentir quelque chose buguer quelque part dans sa tête et elle oublia son arme. Et, surtout, elle oublia Kazuo. L'espace de quelques secondes qu'elle regretterait sûrement toute sa vie. Parce que, bien sûr, obnubilée comme elle l'était à cause de cet espèce de charme naturel, elle ne résista pas et passa ses bras autour du cou de Shizuo pour l'attirer contre elle.

Elle ne sut pas vraiment ce qui l'en détacha. Un déclic, peut-être provoqué par son pouvoir, mais elle reprit conscience bien trop tard. L'une de ses mains descendait sur son torse au moment où son cerveau reprit son fonctionnement normal. Son coeur se serra et son pouvoir s'activa involontairement. Elle le repoussa violemment, sans même le toucher, et vit clairement que sa tête heurtait un mur.

-Merde...

Et que ferait-elle si elle venait de buter Shizuo Shimizu ? Raah, elle n'aurait jamais dû venir ici !