Ce qu'elle faisait là ? Aucune idée. Sans raison aucune, Valoya avait franchi la porte reliant la ville au lycée. Pourquoi ? La réponse est dite plus haut. Quand ? Après la fin des cours, à l'approche de la nuit. Comment ? Simplement en l'apercevant et en choisissant d'entrer. Mais déjà, elle ne savait même pas ce qu'elle était venue faire dans le quartier sud. Maintenant qu'elle était là et qu'elle se trouvait dans un lycée, autant voir si les jeunes personnes apprenaient bien des valeurs 100% humaines dans cette école, non ? Après tout, même le pire des vampires pouvait devenir humain si on lui enseigne assez tôt à se comporter comme tel. Et pas comme ces rebuts que sont ceux de son espèce.

En silence, Valoya parcourut les couloirs déserts. Pourquoi avait-elle franchi la porte, surtout qu'elle y était entrée par effraction ?... Elle se posait tellement de questions à la seconde que ça la rendrait presque malade. Alors, pour se calmer, elle ne cessa de se répéter : "Si je doute de quelque chose, c'est que je suis humaine." Cette phrase tourna en boucle dans sa tête, jusqu'à ce qu'un bruit à sa droite ne la fasse sursauter, voire presque hurler. Quoi ? Quand ? Il y avait quelqu'un ? Quelqu'un ou quelque chose ? Que faisait-il là ? Pourquoi ? Il allait s'en prendre à elle ? La Lady secoua la tête. Ça suffisait comme ça, elle n'était pas une vulgaire gamine fascinée par les histoires de fantômes ! "Il n'y a pas de loups dans les écoles, il n'y a pas de loups dans les écoles". Elle répétait cette phrase comme si elle psalmodiait une prière. Des loups dans une école ? Et pourquoi pas après tout ? Qu'est-ce qui empêchait cet état de fait ? Elle grinça des dents. "Il n'y a pas de loups dans les écoles, il n'y a pas de loups dans les écoles..."

La lune. Si belle lune. Sa lune, lune de repos, lune de la liberté. Lune sauvage. Sacristy sourit. Oui elle le sentait en voyant la lune monter légèrement dans le ciel. Cette nuit était une nuit bleue. Une nuit de liberté. Une nuit de loup.
Elle baissa la tête pour étudier le cadavre qui dormait à ses côtés. Non, elle ne lui manquerait pas, elle pouvait partir, il resterait bien tranquillement ici cette nuit. Il ne sortirait pas pour aller folâtrer avec les sales allumeuses infâmes des petits villages. Oui, maintenant il resterait là, bien sage, pour l'éternité et plus encore.
Lentement, Sacristy s'éloigna.
A pas lents, elle quitta la maison où elle vivait avec son petit ami, qui lui ne vivait pas vraiment par contre, Elle se perdit dans la contemplation de l'embryon de lune qui commençait à poindre, ses pas devenant de plus en plus feutrés, et se mêla aux sons de la forêt en glissant parmi les arbres. Silencieuse.
Ce soir, elle n'avait pas faim.

Calmement, Sacristy choisit de se faufiler dans la cour du lycée. Elle sentait une présence et bien qu'elle n'ait aucune envie de tuer cette nuit, son instinct de prédateur la poussait vers les lieux où se trouvait une proie. Une proie. Elle sourit. Non ce n'était pas une proie cette nuit. C'était juste une personne. De la compagnie ? Pourquoi pas...
Elle fit un pas dans un couloir, goûtant l'air de sa langue comme l'aurait fait un serpent.
Angoisse.
Elle ressentait une angoisse, quelque part autour d'elle. Elle sourit. Quelqu'un avait peur, sûrement la personne dont elle avait senti la présence. Elle n'eut cependant pas le temps de bouger. Ses jambes se figèrent, puis la totalité de son corps. Ses bras se transformèrent, son corps se voûta, son visage s'allongea peu à peu, prit une forme animale. Sacristy devint loup.
A pas feutrés, elle parcourut le bâtiment.

Il y avait quelque chose. Elle avait entendu un mouvement. Ce n'était pas normale.

Prise par l'angoisse, Valoya sortit un flacon de sa poche. On ne sait jamais, même si elle ignorait si son poison était efficace sur ce qui surgirait de l'ombre. "Il n'y a pas de loups dans les écoles...". Sa phrase perdait du sens au fur et à mesure qu'elle la répétait. Elle avait peur, et elle n'arrivait pas à se rassurer elle-même. Elle ne voulait pas bouger, pas arpenter les couloirs, que ce soit pour sortir ou pour trouver ce qui s'était introduit dans l'école. Elle n'était pas seule...

Pourquoi était-elle venue ici ? Quelle idée ! Les écoles étaient vides à cette heure, qu'avait-elle espéré vérifier ? Elle retrouva le contrôle de ses jambes. Elle ne pouvait pas rester immobile ici en attendant que quelque chose vienne la cueillir. Elle entra dans une salle de classe. Vide. Bien entendu, il n'y avait personne à cette heure. Et il n'y avait pas plus de cahiers ou de résumé de cours qu'elle aurait pu consulter pour voir si les enseignements étaient valables. Franchement, pourquoi était-elle venue ici ?

La porte claqua derrière elle. Elle se retourna brutalement, le doigts figés sur le bouchon de son flacon de poison.

Proie... Non, pas une proie, pas ce soir.
Terreur. Angoisse était trop faible. C'était de la terreur.

La louve glissa dans les couloirs, à pas doux, feutrés. Elle n'était pas là pour manger. Elle n'avait pas faim. Vraiment ? Mais cette odeur était si attirante.
Faim. La bête a faim. Sacristy secoue la tête. L'ignore. Non, elle n'a pas faim. Elle n'est pas là pour chasser.
Sacristy, louve, marchait à pas lents. Elle cherchait la source de la terreur, reniflant l'air, reniflant le sol. Proie. Non, pas une proie. Quoi alors ? Un jouet ? Non, on dit camarade de jeu Sacristy. C'est ça. Camarade de jeu. La terrifiée allait jouer avec elle.

Pas de sang. La louve n'avait pas envie de sang ce soir. Elle avait déjà assez tué. Elle voulait jouer. Comme un louveteau. Elle sentit l'angoisse derrière une porte. La poussa de son nez. Entra.
Courant d'air.
La porte se referma derrière elle en claquant. Raté pour la discrétion.

Sacristy s'approcha de la fille - c'était une fille, oui - avec de grands yeux brillants de joie. Elle voulait jouer. Pas tuer, pas ce soir. Mais l'autre avait quelque chose en main. Quelque chose qui sentait la mort.
Sacristy recula. Danger. L'angoissée était dangereuse.

Valoya sentit ses jambes se figer. Loup. C'était un loup. Les mains tremblantes, elle garda le regard fixé sur l'apparition sans trouver la force de bouger. Impossible. Elle ne pouvait aller nulle part dans cette situation. Les loup sentent la peur. Oui, les loups sentaient la peur. Et le mot peur était faible pour définir ce qu'elle ressentait. Pourquoi était-elle venue ici ? Là, maintenant, elle n'avait même pas la force mentale suffisante pour se résoudre à fuir. Si le loup l'attaquait, elle mourrait ici, car son corps ne lui répondait plus et elle ne pouvait pas utiliser son poison.

Mourir ici... Elle n'en avait pas spécialement envie. Elle fixait l'animal en essayant de réprimer ses tremblements. Les loups n'ont peur de rien, non ? Comment pouvait-elle espérer le faire partir ? Est-ce que sa voix lui répondrait seulement si elle ouvrait la bouche ? "Va-t-en...." chuchota-t-elle d'un voix qui commençait à trembler. "Va-t-en, je t'en supplie". Elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Comme si ce loup allait lui obéir ! Elle se sentait idiote. Elle mourrait ici si elle n'arrivait pas à reprendre le contrôle de son corps. Mais elle avait peur. Trop peur. Ses yeux passèrent du loup à son flacon de poison. Qu'espérait-elle ? L'effrayer ? Le tuer ? Elle n'en savait trop rien.

Elle voulait juste qu'il s'en aille, pour pouvoir s'enfuir vite et loin. Quelle idée idiote d'être venue ici...