Sam 31 Mai - 19:10
Elle ne pourrait jamais redevenir humaine. Amentiae soupira. Elle était assise dans la poussière, et l'odeur lui irritait les narines. Mais elle ne voulait pas sortir. Tout était si compliqué dehors. Elle se transformait en monstre et on lui avait annoncé qu'elle faisait partie des deux races dont la transformation était irréversible. Et encore : avec un peu de patience, les démons pouvaient devenir humains, eux. Alors qu'elle était condamnée à vivre dans ce corps, bien plus dangereuse que lorsqu'elle était humaine, avec ces foutues voix dans sa tête qui lui répétaient qu'elle était mauvaise. Dans un mouvement de rage, Ame arracha son collier et l'envoya voler à l'autre bout de l'entrepôt. Puis elle serra sa tête entre ses mains et se recroquevilla sur elle-même. Elle ne serait jamais libre, jamais tranquille. Non, ils serraient toujours là.
*Petite soeur...*
-La ferme.
Elle ne voulait pas l'entendre. Elle n'en pouvait plus de cette voix inquisitrice. Mais si seulement il n'y avait qu'elle. Elle aurait sûrement pu s'habituer aux suppliques de cette grande soeur invisible. S'il n'y avait eu qu'elle. Mais il y avait aussi ce foutu corbeau qui cherchait à la mener à la tombe et surtout... Surtout...
*Ame, ma chérie. Ne lève pas la tête, surtout.*
Elle la connaissait. Elle la connaissait trop bien. Elle savait que si Elle lui disait ça, Ame ne pourrait pas s'empêcher de regarder. Alors elle regarda.
Ils étaient deux. Deux hommes. Ame porta la main à son cou. Son collier. Elle avait jeté son collier. Pourquoi avait-elle fait ça ?
*Oh, j'ai bien envie de m'amuser*
Non... Non, pas ça. Ame se replia encore plus sur elle-même. Elle voulait qu'Elle sorte de sa tête. Qu'elle arrête de ronger sa conscience.
-Tout va bien ?
Ame releva brusquement la tête. Il était là, près d'elle. Elle poussa un cri et s'écarta vivement, s'éloignant le plus possible en essayant d'ignorer le murmure dans sa tête. Elle vit les traits de l'homme se brouiller, sa couleur changer, et elle se prit la tête dans les mains en fermant les yeux. Ca ne s'arrêterait jamais. Jamais.
-Vous... vous n'avez pas à avoir peur.
-Allez-vous en ! cria-t-elle. Allez-vous en ! Ne la laissez pas...
*Trop tard, Ame, trop tard. Ils ont déjà compris. Tu n'as qu'à ouvrir les yeux.*
Elle n'ouvrirait pas les yeux. Elle savait qu'ils avaient changé, qu'ils étaient devenu des monstres au service de La Fille. Mais si elle leur faisait du mal, Elle les rendrait humains et tout le monde serait encore contre elle. Elle ne se laisserait plus faire. Sauf qu'elle n'avait pas son collier. Elle entendait La Fille murmurer dans sa tête et, n'y tenant plus, elle ouvrit les yeux. Pour voir deux monstres verts, semblables à celui du miroir de son enfance, qui la regardait et s'approchaient d'elle. Elle se cacha le visage dans les mains.
-Non... Non, ne m'approchez pas...
Ame avait une épée à la taille. Elle savait que cette épée n'apparaissait que quand Elle prenait le contrôle. Trop tard. C'était trop tard. Elle n'aurait jamais dû se débarrasser du pendentif. Sa main glissa à sa taille. Si elle ne faisait rien, les monstres de La Fille allaient la tuer. Elle devait frapper avant. Elle saisit son épée et les monstres reculèrent.
-Elle ne m'aura pas. Jamais.
Quand les voix s'estompèrent, deux cadavres gisaient à ses pieds. Humains. Et elle serrait son poignard, à s'en blanchir les phalanges. Elle s'écroula à genoux, en larmes.
*Qu'est-ce que tu as encore fait ?*
-La ferme, LA FERME ! Sors de ma tête, laisse-moi tranquille !
Sa voix résonna dans le silence de l'entrepôt et elle éclata en sanglots. Elle ne s'en sortirait jamais. Jamais. Sa vie se résumerait toujours à fuir, encore et encore, jusqu'à ce que les voix dans sa tête se taise. Elle entendit la porte s'ouvrir et se figea. Ses doigts se crispèrent sur le manche de son poignard.
-Ce n'est pas moi. Ce n'est pas ma faute... sanglota-t-elle
Qui la croirait, de toute façon ?